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La quête de nouveaux payeurs pour les indemnisations des dégâts de gibier

Les syndicats agricoles demandent en priorité aux chasseurs de réguler davantage le sangliers.

Si les chasseurs souhaitent mutualiser le financement des indemnisations des dégâts, les syndicats agricoles sont de leur côté assez unanimes. Ils réclament avant tout une régulation renforcée. À l’Assemblée nationale, une loi transpartisane pourrait être présentée dans un an.

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Pour garantir la viabilité du système d’indemnisation des dégâts de gibiers, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), appelle à une réforme . Il réclame une mutualisation de la facture des dégâts de gibiers qui ne peut plus être supportée seulement par les chasseurs selon lui.

La réforme ne doit pas aboutir à une baisse des niveaux d’indemnisation des agriculteurs assure la FNC, qui ne demande pas non plus une participation du monde agricole au financement des indemnisations. Pour arriver à convaincre l’État d’agir pour faire évoluer le dispositif, Willy Schraen demande le soutien du monde agricole.

Pour les syndicats, la priorité est de réguler davantage

La France Agricole a interrogé à ce sujet les syndicats agricoles pour connaître leurs positions dans un éventuel débat avec les chasseurs. Les syndicats se rejoignent sur plusieurs points tout en n’étant pas avares de critiques.

Pour sauver le système d’indemnisation, réguler encore plus le gros gibier est leur maître mot pour réduire la facture mais aussi les risques sanitaires associés, comme la peste porcine africaine, la maladie d’Aujeszky ou la tuberculose. Du Modef à la Confédération paysanne, en passant par la Coordination rurale, Jeunes agriculteurs et la FNSEA, les chasseurs doivent avant tout faire plus et mieux.

Comme le résume Grégory Nivelle, administrateur à la FNSEA, « la seule solution pour baisser durablement les dégâts, c’est d’augmenter les prélèvements d’animaux ». « La question d’une réforme du système d’indemnisation est aujourd’hui prématurée. Avant de repenser le financement, il est urgent d’agir sur la cause : la surpopulation de sangliers », ajoute de son côté Jean-Baptiste Goutte, membre du conseil d’administration de Jeunes Agriculteurs (JA).

Grégory Nivelle regrette au passage que l’accord signé en 2023 et la mise en place d’une « boîte à outils » réglementaire pour renforcer la régulation du sanglier ne soit appliquée que partiellement. « Certains outils ne sont pas utilisés partout, comme le classement du sanglier comme Esod (N.D.L.R. : espèces susceptibles d’occasionner des dégâts) pour en permettre le piégeage. Piéger permet d’avoir une pression très forte sur les populations avec très peu de personnes. J’entends bien que le nombre de chasseurs baisse et qu’organiser des battues de 20 à 30 chasseurs pour tuer cinq sangliers, nécessite de déployer énormément de forces vives pour de potentiels petits résultats. Alors qu’un piégeur avec deux ou trois points de piège peut en prendre en une nuit 10 à 15 sangliers. »

Les syndicats dénoncent certaines pratiques

La Confédération paysanne insiste de son côté sur l’importance de la responsabilité territoriale des détenteurs de droits de chasse pour limiter les dégâts. La contribution territoriale est « probablement l’outil le plus efficace mais qui n’est pas appliqué partout » estime Mathieu Laupin, membre de la commission dégâts de gibiers du syndicat. Appelée aussi « taxe à l’hectare », cette contribution est réglée par les territoires de chasse et modulée selon les territoires et l’importance des dégâts qui y sont commis par les animaux.

Pour améliorer la régulation, Mathieu Laupin considère que malgré les interdictions de « lâchers, de nourrissage et de tirs sélectifs », « des abus innombrables et quotidiens » sont observés. Des comportements qui ne peuvent pas être suffisamment contrôlés en raison des effectifs insuffisants d’agents au sein de l’Office français de la biodiversité (OFB) souligne-t-il.

Des dégâts de sanglier sur une parcelle de sorgho à Azay sur Cher en Indre-et-Loire. (© C. Faimali/GFA)

La Coordination rurale dénonce le système actuel de plan de chasse qui, selon elle, favorise « la prolifération et non la régulation » estime Lydia Deneuville, président de la Coordination rurale de la Nièvre. Car il limite les interventions dans le temps, en surface et en nombre d’animaux pouvant être abattus.

La Coordination rurale n’est pas non plus tendre avec certaines fédérations départementales des chasseurs. « Les FDC appliquent une grille d’abattement de manière unilatérale, cherchant systématiquement à réduire les indemnisations pour minimiser leurs factures. Cependant, aucune sanction n’est appliquée en cas de défaillance de leur part, comme le refus de poser ou d’entretenir des clôtures dans les zones à forte pression de sangliers (points noirs). »

Hors de question de toucher à la Pac

Tous les syndicats s’opposent catégoriquement à ce que les indemnisations proviennent d’enveloppes fléchées vers l’agriculture, comme la Pac par exemple et rejettent l’idée d’un système assurantiel à l’instar de l’assurance récolte pour les dégâts de gibiers.

Estimant que les chasseurs ne sont pas les seuls responsables de la hausse continue du nombre de sangliers, le Modef suggère d’élargir le cercle des contributeurs au financement des indemnisations, en citant notamment les collectivités territoriales que le syndicat estime en partie responsables avec l’artificialisation des sols. Pour Frédéric Mazer, coprésident du syndicat, « c’est un débat qu’il faudrait avoir à l’Assemblée nationale pour essayer d’évaluer dans quelle proportion il peut être demandé une participation ».

À l’Assemblée nationale, et plus largement au Parlement, point de débat n’est prévu pour l’instant dans l’hémicycle, même si des premières propositions de loi sont sur la table.

Une loi transpartisane en 2026 ?

Déposée en juin 2024, la proposition de loi du sénateur Laurent Burgoa (Les Républicains) vise à ce que « l’État participe à l’indemnisation des dégâts de grand gibier », pouvant aller jusqu’à une prise en charge intégrale. Son avenir est incertain en raison de l’instabilité politique et des contraintes budgétaires, admet lui-même le sénateur interrogé.

Un an plus tard, c’est la députée RN Stéphanie Galzy qui a déposé une proposition de loi pour créer un « fonds national d’indemnisation », financé en partie par l’État à l’aide d’une fraction des fonds européens destinés à l’aménagement et au développement des territoires ruraux. Les fédérations départementales continueraient indirectement de financer les indemnisations en versant au budget général de l’État une part de leur budget annuel, qui ne pourrait pas dépasser les 40 %. Le budget général de l’État serait aussi complété par une contribution versée par les propriétaires qui ont exercé leur droit à opposition à l’exercice de la chasse sur leurs terrains.

À l’Assemblée nationale, le groupe d’études « chasse et pêche » qui réunit près d’une centaine de députés a lancé une commission interne pour élaborer une « proposition de loi transpartisane » après une concertation avec toutes les parties prenantes : chasseurs, agriculteurs, forestiers et gouvernement, détaille le coprésident du groupe, Daniel Labaronne (Renaissance).

Le député juge au passage la proposition de Stéphanie Galzy comme « prématurée » et « hors-sol ». Pour cette dernière, « il est illusoire de croire qu’une proposition réellement transpartisane verra le jour dans le contexte politique actuel ». L’objectif de la commission interne est de présenter un texte « fin 2026 », nonobstant toute dissolution et élection législative anticipée.

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